« On grandit lorsqu'on est malade ou lorsqu'on souffre, lorsqu'il faut faire face à une perte douloureuse. On grandit si l'on ne se met pas la tête dans le sable, mais au contraire si l'on accepte la souffrance en essayant de la comprendre, non pas comme une malédiction, mais comme un cadeau fait dans un but précis »
Elisabeth Kübler-Ross, médecin

Pour me connaître, il faut lire, ''Entre les ligne '', juin 2009

mercredi 6 octobre 2010

L'HOMME ET LE BANC...



Y'a un banc de métal,
ou de fer forgé,
ou d'alu...
j'sais pas...

Y'a un homme...
Un livre, il lit...
Il semble lire...
Non, il ne lit pas...
J'sais pas...

Il patiente,
Il se repose,
Il s'impatiente,
J'sais pas...

Il semble heureux...
Ou peut-être pas...
Ou peut-être perdu...
J'sais pas...

Il pourrait attendre...
Une amie,
Une parente,
Une nouvelle,
J'sais pas...

Il est calme,
Ses yeux se posent,
Ou se reposent,
J'sais pas...

Est-il sociable ?
Approchable ?
Partirait-il, partagerait-il ?
J'sais pas...

Pis même si j'savais...
J'en ferais quoi ?
Aller de l'avant vers un étranger ...
Pour dire quoi ?
J'sais pas...

Demander s'il va bien ?
S'il a besoin lui aussi de compagnie ?
Pour m'asseoir et faire semblant de lire ?
Pour profiter de sa compagnie...
Pour espérer quelques paroles...
J'sais pas...
J'devrais...
Peut-être demain...
Ça fait deux semaines...
Même heure,
Même poste...
Peut-être demain...
J'devrais...
J'sais pas...

.................................................................

Il pourrait être de fonte
ou de bronze, le banc...
J'sais pas...

Il est toujours là...
Il ne lit pas...
Le signet semble toujours au même endroit...
J'sais pas...

C'est le même livre,
Il est toujours fermé...
Il le tient à l'envers...
Y'm'semble...
J'sais pas...

.................................................................

Il est de métal et de bois,
le mien mon banc...
Il pourrait me voir d'où il est...
Je ne crois pas qu'il m'ait remarqué....
J'sais pas...

Personne ne lui parle,
Personne ne l'approche,
Personne ne semble le remarquer,
Pourtant il est bien là...
Y'm'semble...
J'sais pas...

J'devrais passer devant...
M'assurer qu'il est vivant...
Que je ne suis pas folle...
Peut-être que je l'imagine...
J'sais pas...
Peut-être demain...
J'sais pas...

.................................................................

Une grosse merde de moineau
dégouline sur le banc...
Juste à côté de lui...
Il ne réagit pas...
En a-t-il sur lui ?
J'sais pas...

.................................................................

Il est fabriqué de la même matière que les monuments
qui entourent le Parlement, son banc...
Comme ''les grosses Dames qui prennent le thé''...
Alors, c'est du bronze...
Y'm'semble...
J'sais pas...

Il ne bronche pas...
N'essuie pas la coulisse de merde...
Y'm'semble... ?

Ce n'est pas aujourd'hui
Qu'il aura de la compagnie...
S'il est là pour ça...
Y'm'semble...
J'sais pas...

Du moins, moi, ce n'est pas aujourd'hui
Que j'irai m'asseoir là, avec ce dégât sur le banc...
Peut-être demain...
J'sais pas...

.................................................................

Il est propre le banc...
Il a plu cette nuit...

Il est là...
Le banc doit être trempé...
Y'm semble...
J'sais pas...

C'est vrai que son manteau est long,
Il doit être imperméable...
Le signet ne bouge pas...
Son manteau semble avoir des queue-de-pie...
J'sais pas...

.................................................................

Le bois est humide et sent bon...
Je ne peux m'y asseoir, sur mon banc...
J'aurai le postérieur trempé,
Y'm'semble...
J'sais pas...

Je reste accotée au mur de pierres
De l'édifice derrière mon banc,
Je le vois bien...
De plus loin...
Peut-être un peu moins bien...
J'sais pas...

J'essais d'imaginer...
Ce à quoi il pense...
Ce qu'il voit...
Ce qu'il vit...
J'sais pas...

Je suis trop loin...
Ne vois pas bien,
Ni le visage,
Ne les yeux,
Ni les expressions...

En a-t-il des expressions ?
Ou est-il de bronze ?

Je devrais m'approcher...
Y'm'semble...
Je devrais, je pourrais...
Peut-être demain...
J'sais pas...

.................................................................

Il n'est pas seul sur son banc ce matin...
Une femme,
Il tient son livre, elle un journal...

Aucun regard, aucune parole...
Aucun échange...
Ça fait froid...
Y'm'semble...
J'sais pas...

Pourtant il semble propre,
Intelligent, je crois...
Y'm' semble...
Je ne vois pas ses yeux...
J'sais pas...

.................................................................

Des fleurs encerclent son banc...
C'est la belle saison,
Les tulipes sont partout,
Les touristes aussi,
Ça fourmille...

Je pourrais me fondre dans la masse
Pour me rapprocher...
J'sais pas...

Le voir de plus près...
Voir les traits de son visage,
Ses yeux,
Ses mains,
Le titre de son livre,
Ses souliers...

On en apprend beaucoup sur un homme par ses souliers...
Y'm'semble...
J'sais pas...
Peut-être demain...
J'sais pas...

.................................................................

Mon banc est occupé,
J' peux pas m'installer,
Le regarder...

La capitale est prise d'assaut par les touristes...
Il y en a tout plein...
Festivals, festivités, c'est l'été...

Il ne déroge pas...
Il ne bouge pas...

Pourquoi m'est-il si intriguent ?
J'sais pas...

Pourquoi m'est-il si important ?
J'sais pas...

J' voudrais savoir...
Quoi au juste ?
Pourquoi au juste ?
J'sais pas...

Verrait-il que je suis là ?
J'sais pas...

.................................................................

Les accoudoirs de son banc doivent être brûlants...
Il fait 30 C, aujourd'hui...
Il porte toujours son manteau...
Tient toujours son livre...

Moi, je bois beaucoup d'eau...
Faut pas déshydrater...

Faudrait qu'il boive...
A-t-il de l'eau ?
J'sais pas...

Est-t-il âgé ?
Est-il seul lorsqu'il quitte le banc ?
A-t-il un endroit pour coucher le soir venu ?
Est-il en sécurité ?
J'sais pas...

Je m'en préoccupe...

De plus en plus...

Pourquoi ?

J'sais pas...

Alors pourquoi ne pas aller vers lui ?
J'sais pas...

Qu'est-ce qui m'arrête ?
J'sais pas...

Qu'est-ce que cette crainte ?
J'sais pas...

Qu'est-ce que cette peur ?
J'sais pas...

Peur de quoi ?
J'sais pas...

J' pourrais... devrais...
Peut-être demain...
J'sais pas...

.................................................................

Son banc est vide...
Presque, une grosse chiasse de moineau à sa place...

Son livre est parterre...
Signet à la même page...

Pourquoi ce matin ?
Un matin tout à fait normal...
Comme tous les autres...
Y'm'semble...

Où est-il ?
Où est-il ?

J'sais pas...

Peut-être faisait-il trop chaud ?
Il serait resté à la maison ?
Mais son livre ?
Y'm'semble...
J'sais pas... j'sais pas... j'sais pas...

Ça fait deux grosses semaines qu'il fait chaud...

Où est-il ?

Je suis inquiète...

Pourquoi ?
J'sais pas...

Je me sens tourmentée...
Pourquoi ?
J'sais pas...

Il reviendra...
Peut-être demain...
J'sais pas...

.................................................................

Il y a des enfants sur son banc...
Il n'est pas revenu, depuis 7 jours...

Il ne reviendra pas...
Je le sais...

Toutes ces journées...
J'aurais pu, j'aurais dû...

Maintenant, même demain...

Je ne saurai pas...
Ne saurai plus...
Ne aurai jamais...

Ni de lui...
Ni de moi...

Les pourquoi,
Les réponses,
Les craintes,
Les peurs,
Les insécurités,
Les réconforts possibles,

Je ne saurai jamais...
J'aurais dû...
Y'm'semble...
J'sais pas...
J'sais pu...




6 commentaires:

  1. Magistrale réflexion sur le regret de ne pas être passé à l'action. Moi aussi il m'arrive d'avoir des regrets: j'aurai pu inviter telle personne, appeler telle autre, prendre une photo, ect. Comme ce monsieur aux longs cheveux blancs à l'université.
    En tout cas moi aussi j'aurai voulu connaître ton monsieur sur son banc et son mystère.

    Mais aujourd'hui je suis fière de moi, j'ai jaser 5 minutes avec un monsieur (justement assis sur un banc) qui nourrissait des sitelles. Je sais 5 minutes c'est pas énorme, mais pour lui c'est peut-être beaucoup. On a parlé des oiseaux. Il m'a raconté avoir arrêtté de boire il y a 4 ans, je l'ai félicité.
    Je l'ai même photographié avec la petite sitelle gourmande sur sa main :)

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  2. Belle réflexion, on a toujours des regrets quand on passe à coté de quelque chose qui nous intrigue.

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  3. Merci, Oui, il faut prendre le temps de s'arrêter...
    Mais il y a tant de choses qui nous arrêtent...
    Puis après viennent les regrets...

    Être attentifs...

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  4. Bonsoir Dominique,
    J'ai lu hier... et ce soir j'ai relu. Je trouve très beau ce long monologue mais je me pose des questions. Pourquoi as-tu écrit ce texte?
    J'aimerais être psychologue pour connaître les raisons qui nous font agir ou au contraire pourquoi parfois on aimerait faire un geste et quelque chose nous en empêche...
    Tendresse et becs chinois.

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  5. Bonjour,

    Ma copine a été guérit de la névralgie du trijumeau par un chiropraticien qui avait promis de la guérir.Centre Chiropratique Des Ormeaux in Montreal, QC - weblocal.ca. Le nom du chiropraticien est Michel.

    Bonne chance.

    Manon

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  6. Merci Manon, je récupère et je m'informe...

    Bonne journée :)

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